Cruelle splendeur – Chapitre 1

Chapitre 1

18 ans plus tard…

Le jour était à peine levé sur Nottingham lorsque Messire Guy de Gisborne ouvrit les yeux après une nuit courte et agitée. Il repoussa les draps, se leva et se dirigea vers la fenêtre, vêtu de sa seule splendeur. Les mains posées sur le rebord, il respira profondément l’air frais du matin, essayant de remettre de l’ordre dans ses esprits après la nuit qu’il venait de passer. En soupirant, il tourna la tête et son regard azur se posa sur la femme allongée dans le lit. Couchée sur le ventre, à peine recouverte par les draps, ses longs cheveux noirs épars sur son dos, elle semblait plongée dans un profond et paisible sommeil. Alors que la seule vision de cette sublime créature endormie aurait ravi le cœur et le corps de plus d’un homme, celle-ci insupportait presque Gisborne.

Il détourna son regard de celle qui avait été sa compagne pour la nuit et contempla la forêt qui s’étendait à perte de vue, loin de l’enceinte du château de Nottingham. Les bois de Sherwood, le vaste domaine de Robin des Bois, son ennemi juré depuis qu’il avait tenté d’assassiner le Roi Richard en Terre Sainte, sous les ordres de Vaisey de Hamleigh, le Shérif de Nottingham. Mais plus que tout, Robin était aussi son rival, tous deux se disputant le cœur de la belle Lady Marianne. Rival, le mot était inapproprié, car elle ne l’avait jamais considéré autrement que comme le bras droit du Shérif, comme un tyran qui exécutait ses plus basses besognes sans la moindre once d’humanité. C’est du moins ce que tout le monde croyait. Car malgré sa position, malgré les nombreuses femmes qui défilaient dans son lit, il était seul, haï par le peuple, il ne pouvait compter que sur une seule et unique personne : lui‑même. Vaisey avait fait de lui son fidèle lieutenant, mais n’hésitait pas à le rabaisser, à l’humilier à la moindre occasion, pour ensuite lui assurer, quelques heures plus tard, ô combien sa loyauté lui était précieuse. En fait, Gisborne pensait, et même, il en était persuadé, que le Shérif n’hésiterait pas à se débarrasser de lui le jour où il deviendrait gênant ou qu’il représenterait une menace. Mais Guy avait besoin du Shérif, car sans lui, il n’était rien. Dépossédé de ses terres, il avait « hérité » du domaine de Locksley pendant que son légitime propriétaire, Robin, Comte de Huntingdon, combattait aux côtés du Roi Richard en Terre Sainte. Mais Robin de Locksley était revenu et avait repris possession de son bien. Ce fut cependant pour une courte durée, car ayant refusé de se plier à la dictature du nouveau Shérif, il était devenu un hors-la-loi et son domaine était à présent la vaste forêt de Sherwood. Gisborne régnait donc en seigneur sur Locksley, mais sans en avoir le titre officiel, et surtout, sans le respect de ses habitants.

Plongé dans ses pensées, il n’avait pas remarqué que sa compagne venait de se réveiller. Elle ouvrit lentement les yeux et poussa un petit soupir de contentement à la vue de sa nudité masculine offerte à sa vue. Elle le regarda sans vergogne, profitant du fait qu’il lui tournait le dos, détaillant ce corps parfaitement proportionné qui dégageait une sensualité presque animale. En repensant à leur nuit, sauvage et intense, elle se dit qu’il était loin d’avoir les manières d’un gentleman, mais cela ne la gênait aucunement, car elle-même n’était pas une lady. Elle était même tout le contraire, se situant plutôt dans la catégorie des femmes dont on payait la compagnie et qui vendaient cher leurs charmes. Mais à choisir, elle préférait sa vie à celle d’une paysanne obligée de travailler durement pour gagner finalement à peine de quoi nourrir sa famille. Elle au moins n’avait qu’à donner un moment de plaisir à ces messieurs pour être couverte d’or et de bijoux et vivre une vie plus qu’enviable.

Aliénor, car tel était son nom, changea de position et se coucha sur le côté, la tête appuyée sur sa main. Gisborne semblait s’être rendu compte que sa compagne s’était réveillée et l’observait avec la plus grande attention. Il daigna se retourner à nouveau. A la vue de sa masculinité, elle passa sa langue sur ses lèvres avant de lui adresser son sourire le plus enjôleur. Tout dans son attitude constituait une invitation à venir la rejoindre. Mais son geste produisit sur Guy l’effet contraire. Elle le dégoûtait, ou plutôt, il se dégoûtait. Comment avait-il pu penser un seul instant que cette femme, que toutes les femmes qu’il avait possédées pouvaient effacer de sa mémoire la seule qui comptait à ses yeux : Marianne ? La seule qu’il avait jamais aimée était aussi celle qui se refusait obstinément à lui. Cela faisait des semaines, des mois qu’il lui faisait inlassablement la cour, se montrant tour à tour tendre, prévenant, galant, tout en la couvrant de nombreux présents, mais cela ne servait à rien. Avec toute la délicatesse qui était la sienne pour ne pas l’offenser, parce qu’il était l’adjoint du redouté Shérif, elle avait toujours refusé ses propositions et ses cadeaux. Mais il n’était pas homme à renoncer aussi facilement. Il restait persuadé qu’à force de patience, elle finirait par céder et consentir à devenir Lady Gisborne. Pour lui, Marianne était un ange. Sa douceur, sa pureté, sa beauté seraient sa rédemption et le laveraient de tous ses péchés lorsqu’elle deviendrait enfin sa femme. Mais si Guy lui était fidèle dans son cœur, il en était tout autrement dans son corps. En effet, il n’en était pas moins un homme, avec des envies, des besoins à assouvir. Alors, lorsque son désir était trop fort, il profitait sans aucune honte des charmes de quelque jeune et belle domestique du château.

Tout à coup, l’image de Marianne s’imposa devant ses yeux. Ce n’était pas Aliénor allongée dans le lit, mais sa bien-aimée, Marianne qui semblait lui tendre les bras, Marianne qui l’invitait du regard à venir la rejoindre, Marianne qui était là, nue, offerte, attendant qu’il vienne la combler de ses caresses, Marianne…

Reprenant soudain ses esprits, il se dirigea vers le fauteuil près de la cheminée et sans un mot, commença à s’habiller. Vexée, Aliénor s’assit dans le lit. Elle avait beau n’être qu’une fille de joie, jamais un homme ne l’avait traitée avec autant d’indifférence.

– Quelque chose vous aurait-il déplu Messire ? N’y a-t-il rien que je puisse faire pour votre bon plaisir ? lui susurra-t-elle d’un ton provocant.

A présent vêtu de son pantalon, Guy fouilla dans la poche de son manteau et sortit une bourse remplie de pièces. Il s’avança vers le lit et la jeta devant la femme, qui lui lança un regard courroucé.

– Tiens, prends ceci et va-t-en !

La vue de tout cet argent calma quelque peu Aliénor. Gisborne la congédiait sans ménagement, mais il reviendrait en rampant, de cela, elle était sûre. Elle prit la bourse, se leva et s’habilla en prenant son temps, tout en le regardant avec une lueur de défi dans les yeux. Quelques minutes plus tard, sur le pas de la porte, elle lui jeta un dernier regard avant de sortir.

– Au revoir Messire… et à bientôt.

Aliénor referma la porte sans un bruit. Dehors, elle adressa son plus beau sourire aux gardes qu’elle croisa en sortant des appartements de Gisborne avant de continuer son chemin. Finalement, malgré le changement d’humeur de Guy au réveil, la journée commençait plutôt bien, se dit-elle en repensant à tout cet argent qu’elle avait sur elle, parfaitement caché dans sa robe. Non, décidément, elle n’avait pas à se plaindre de son sort. Certes, elle exerçait le plus vieux métier du monde, mais c’était toujours avec des hommes de haut rang, des seigneurs, des nobles, des hommes de pouvoir. Elle n’était peut-être pas une lady, mais elle avait quand même une certaine allure. En tout cas, elle était connue pour sa grande beauté. De longs cheveux noirs, de magnifiques yeux azur et une silhouette de rêve avaient fait sa réputation. Nul doute que si elle était née du bon côté de la barrière, elle aurait fait un mariage plus que convenable avec l’un des seigneurs des environs. Ils étaient rares les nobles qui avaient résisté à ses charmes. A vrai dire, il n’y en avait qu’un seul qui ne lui avait montré qu’une indifférence la plus totale, celui-là même qu’elle venait de voir au loin, qui marchait dans sa direction. Vaisey de Hamleigh, le Shérif de Nottingham en personne. Lorsqu’elle arriva à sa hauteur, elle s’arrêta pour lui faire la révérence.

– Monseigneur…

Le Shérif ne daigna même pas lui répondre. A la place, elle l’entendit murmurer quelques mots en la regardant d’un œil mauvais avant de reprendre son chemin. Dommage, se dit-elle en le regardant s’éloigner. Il était certes beaucoup plus âgé qu’elle, il n’était pas aussi séduisant que Guy, mais il avait quelque chose de plus par rapport à tous les autres : il était riche, il avait le pouvoir et surtout, il régnait sur Nottingham. Etre la maîtresse d’un tel homme l’aurait comblée au plus haut point. Mais malheureusement, malgré tous les efforts déployés, il ne l’avait jamais regardée autrement qu’avec le plus grand dédain. Vaisey s’était retourné et la regardait disparaître au détour d’un couloir en secouant la tête. Gisborne n’était qu’un sot, comme tous les autres d’ailleurs. S’il ne tenait qu’à lui, cela ferait longtemps qu’il aurait chassé cette créature hors de Nottingham. Mieux, il l’aurait enfermée dans un cachot et, sous un prétexte quelconque, elle aurait été exécutée. Mais la demoiselle en question avait aussi parmi ses « bienfaiteurs » quelques seigneurs influents et le Shérif ne voulait surtout pas les contrarier en les privant de leur distraction favorite.

Arrivé devant les appartements de son lieutenant, il ne prit même pas la peine de frapper à la porte et entra sans aucune cérémonie. Guy était en train de finir de s’habiller lorsque les portes s’ouvrirent brusquement.

– Gisborne ! hurla le Shérif.

Le lieutenant sursauta et regarda le nouvel arrivant. Il comprit immédiatement que la journée n’allait pas être une partie de plaisir. Il osa néanmoins émettre une protestation.

– Vous pourriez frapper…

– Pourquoi, il y en a d’autres en plus de celle que je viens de croiser à l’instant ? ironisa le Shérif.

Guy ne répondit même pas à la remarque cinglante de son supérieur.

– Méfiez-vous Gisborne, je vous l’ai déjà dit. Rappelez-vous, elles sont pires que la lèpre.

Le lieutenant grimaça en entendant le terme peu flatteur qu’utilisait le Shérif pour parler des femmes en général et de celles qui partageaient son lit en particulier. Pour Vaisey, les nobles dames, les paysannes et les catins étaient à mettre dans la même catégorie, sans aucune exception.

– De plus, si je vous ai fait venir habiter au château, c’est pour que vous soyez à mon service dès que j’ai besoin de vous. Est-ce que je vous paie pour jouer les jolis cœurs auprès de ces créatures ? Un indice : non ! Alors, dépêchez-vous de mettre un semblant d’ordre dans votre tenue, si cela est dans vos capacités bien sûr, après la nuit de débauché que vous venez de passer !

Gisborne prit de plein fouet la remarque de Vaisey sans ciller. Il commençait à en avoir l’habitude. Mais le Shérif eut le temps d’apercevoir une lueur furtive traverser le regard de son lieutenant et comprit que cette fois-ci, il était allé trop loin. Alors, il se rapprocha de son fidèle bras droit et posa une main sur son épaule.

– Gisborne, mon petit…, commença-t-il de sa voix la plus doucereuse.

Guy ne put s’empêcher de sourire. Mon petit… Quelle remarque ironique de la part d’un homme qui faisait plusieurs centimètres de moins que lui. Mais le Shérif continua sa phrase, ne lui laissant par le loisir de réfléchir davantage.

– Vous le savez, je vous considère comme mon fils et cela me désole fortement que vous perdiez votre temps de la sorte. Je ne veux que votre bien. Vous êtes mon lieutenant, mon plus fidèle et loyal allié, ne l’oubliez jamais…

Non, il ne pourrait jamais l’oublier. Le Shérif se chargeait régulièrement de le lui rappeler. Mais malgré cela, Guy finissait quand même par acquiescer, en baissant les yeux.

– Non Monseigneur, je ne l’oublie pas.

– Parfait Gisborne. Alors, qu’attendez-vous ?

Guy obéit et finit de s’habiller. Il suivit ensuite docilement le Shérif hors de ses appartements, en se demandant ce qui avait bien pu se passer qui mette Vaisey de si mauvaise humeur de bon matin.

A suivre…

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10 Responses to Cruelle splendeur – Chapitre 1

  1. bccmee dit :

    You have captured the relationship of the sheriff and Gisborne perfectly!

  2. « De longs cheveux noirs, de magnifiques yeux azur et une silhouette de rêve » On dirait moi! 🙂
    Je connaissais déjà, mais c’est toujours un plaisir de te relire!
    Bizzzzzzz

  3. I wonder if Eleanor is supposed to be back in the story, or just an extra and if she is going to be a baddie or a romantic rival. I must be patient and wait for the rest of the story.
    A very good start!

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